Histoire d’une construction….

Par Manuel Coindre

Voici le témoignage du projet de construction de Manuel Coindre. Comme je le dis souvent un projet de construction se murit bien souvent sur quelques mois, quelques années. Ainsi, il est nul besoin d'avoir déjà un projet bien établi pour assister à un stage ou pour s'inté-resser à la construction. En revanche, il est intéressant de planter les graines de la réflexion au plus tôt . Mais je laisse la parole à Manuel…

Hiver 2006.

L’histoire commence vraiment là. Par le projet de passer mon brevet. Ne sachant pas vers quel instructeur me tourner, je demande auprès de plusieurs amis et je finis par contacter Arnaud. Première approche… "Ouah je ne sais pas où je vais mais il n’a pas l’air de rigoler cet instructeur !" me dis-je après ce premier contact... La suite me donnera raison ;-)

Eté 2006.

Rendez vous est pris pour 3 semaines de formation sur Toulouse. Formation classique, et déjà premier contact avec un F-Papa (immatriculation typique des machines en construction amateur), à savoir F-POLU, ballon sur lequel je ferai mes premières armes.

Pendant mes heures d'instruction, le rangement du ballon

Découverte de la construction et des premiers échanges avec Arnaud sur le comment construire, pourquoi construire, et tutti quanti… Mais au final, je me dis : "Non, non ce n’est pas pour moi. Trop dur, trop long, trop technique, trop d’investissement, trop … Trop, quoi !"

2007 : Le déclic

Brevet en poche, je dois faire des heures… Et là se pose le problème de beaucoup de jeunes pilotes, qui n’ont ni ballon, ni la chance d’avoir des parents qui ont un, ni simplement l’accès à un ballon à proximité : comment voler tout simplement ? 5h effectuées en 20 mois (merci Arnaud encore) sur Toulouse, pour valider le renouvelle- ment de ma licence. C’est peu. A force de me plaindre, Arnaud en a marre et me sors : "T’as qu’à construire." Et je vous passe le reste ;-)

Eté 2007

Au fil des échanges avec les autres constructeurs j’apprends qu’il reste toujours un stock de tissu vert de bonne qualité, pas cher, et déjà testé pour des ballons, qui n’attend que moi aux Pays-Bas.

Mon ballon sera donc vert et en construction amateur ! Je définis un volume qui me correspond avec mes contraintes perso : pilote + 2, ne jamais voler surchargé. J’opte donc pour un 2600 m3. Je rentre mes données sous le logiciel de design de ballon créé par Arnaud "panel.exe", et en route pour les patrons ! J’effectue la découpe de mes 24 patrons dans la maison et sur la terrasse les jours où il faisait beau.

J’ai ressenti que c’était, avec les finitions du ballon, la partie la plus longue, la moins valorisante, et la plus ingrate du processus de construction. Je pense que cela est dû aussi, en partie à mon "installation" loin d’être optimale, tant au niveau structure opérationnelle que soutient familial.

En pleine découpe à Baziège

Novembre 2007

Le tissu vient d’être livré. Cela fait bizarre. De ces cartons, sortira un ballon ! Bizarre moi, j’vous dis. Au fait il ne manquerait pas un élément essentiel de tout constructeur qui se respecte ? La machine à coudre… La bête quoi ! Nous calons une date, en accord avec Arnaud et des amis, pour la découpe et j’en profiterai pour remonter avec la machine. Cela se passera à Baziège dans la salle communale, sur une journée.

A 6 (2 équipes de 3), à tour de rôle, nous réaliserons la découpe des 480 panneaux (20 fuseaux de 24 panneaux) en une grosse journée. Fatigués mais heureux !

En fin de journée de découpe, à la nuit tombée, équipe heureuse !

Je retourne chez moi avec la matière (sangle, tissu, fil) et une machine à coudre dans le coffre de la Laguna. J’ai même bien failli remonter à vide : le dimanche soir à 23h je n’avais toujours pas mis les mains, ni été formé sur la machine…. 30 minutes plus tard, j’avais fait 3 mètres de couture, fait que des bourdes, et chargé le monstre dans la voiture ! Direction la maison, en me disant que décidemment ça allait être chaud, très chaud. "Dans quel galère je m'étais fourré ?!"

Début 2008

Tout est en place… dans la cuisine ! A défaut de local chauffé, cette pièce, assez grande je l’avoue (22 m2) est réquisitionnée. Première journée de couture, et autant vous le dire tout de suite, pas la plus productive !

A la fin de la journée j’avais cousu 3 panneaux en 8 h ! A ma décharge, j’ai dû dans un premier temps, tester mes aptitudes à coudre sur des chutes (ben oui, je ne vais pas "at

taquer" direct par les panneaux qui vont voler !), me familiariser avec la machine, et bien sur, la régler. Et là, on entre dans la franche partie de rigolade. Je m’explique :

-1ère heure : je règle la machine, essaie de coudre, les points sont merdiques. J’appelle Arnaud.

-2ème heure : je règle, couds un peu, les points sont un peu mieux, envoie 2 ou 3 photos à Arnaud. Je dois encore pouvoir améliorer la chose.

-3ème et 4ème heure : j’essaie de coudre une distance plus importante (1m-1m50) et première galère. Je bloque et entortille le fil dans les canettes. Panique, appel, tournevis, lampe frontal… 45 min après tout est réparé. Ouf !! "Décidément, qu’est ce que je fous là !"

-5ème et 6ème heure : encore des tests sur des chutes, ça ne me plait toujours pas ! Envoi de photos à Arnaud, réglages, couture, re-photos, re-appel, re-réglages, re-coutures…. Y’a pas, ça ne me va pas… J’envoie de nouveau des photos, et la c’est mon téléphone qui sonne 30 secondes après : "Bon tu fais pas chier, tes réglages sont bons ! Couds tes panneaux et avec la vitesse de couture et le temps tu trouveras le réglage bien comme il faut !!" Gloup !

-7ème et 8ème heure : Ok grand gourou ;-) Je prends le panneau 1 et le panneau 2, le monde entier retient son souffle, et c’est parti. Je fais 20cm. Je trouve que c’est vraiment moche. J’ai trop peur de me planter, alors je découds…. (Ce sera l’une de mes deux seules fois où j’aurai à découdre quelque chose). 20 minutes après le 1 et le 2 était joint. Je finirai 30 minutes plus tard avec les 3 premiers panneaux assemblés. Quelle journée intense !

Janvier 2008- Mars 2009

Ensuite la couture deviendra de plus en plus naturelle. Les périodes assis à la machine se cantonneront essentiellement au weekend (accord familial), bien que régulièrement je m’y attelle 1h ou 2 le soir. Le premier fuseau sera effectué en 9-10 heures environ. Le vingtième et dernier en 1h15. On peut mesurer à cette différence comment j'ai fini par bien maîtriser la machine à coudre !

Reste à assembler ces 20 fuseaux. Au début tout va bien, la cuisine assure grave. A la fin,… comment dire ? Il manquerait bien un peu de place, non !? Je déménage donc dans une dépendance de 45 m2, attenante a la maison, mais non chauffée (le détail à son importance, nous sommes au mois de novembre, dans le Morvan !!), et finirai le ballon dans ce local. Il gèle. La bouteille d’eau que je prends à coté de moi est gelée le soir en rentrant dans la maison, et mes doigts eux, sont bleus. Mais ça avance ! Et même bien. Fin décembre j’attaque la fermeture du ballon. Etape importante.

J’ai tellement attendu, projeté et stressé ce moment que je prends une après midi complète avant de fermer définitivement le ballon de peur de le vriller ! 6 heures en tout dont les trois quart de préparation. Malgré la température négative (sic), j’ai bien chaud à maniper l’enveloppe et ses 1000 m2. Opération réussie mais passer tout le ballon sous le bras de la machine…je ne le ferais pas tous les jours !

Ouf ballon terminé… Et c’est là que je me trompe, que je me dis que c’est presque fini alors que je ne le sais pas encore, mais il me reste environ 50-60 heures de boulot. Et oui les "finitions" sont très longues et minutieuses : coudre les sangles pour installer les cordelettes, effectuer les protections pour les boucles de sangles, arrêter les sangles verti

cales, installer les cordelettes de traction et les cordelettes de centrage, … Très frustrant et démoralisant lorsqu’on s’était dit : "chouette le ballon est fini". Je termine difficilement. Mais suis super heureux. J’effectue un premier gonflage dans une grande salle des sports. Je mets en place les cor- delettes et j'effectue une vérification visuelle générale.

Il est beau quand même !

Dans le ventre de la bête, pour les inspections finales

Mars 2009

Malgré le fait que mon ballon soit fini, je décide de passer au stage de construction amateur pour le gonfler enfin. Je charge le ballon. Peut être un premier gonflement en extérieur ? Il me reste le scoop à finir. Pas le temps avant de partir. Qu’à cela ne tienne. Il y aura bien des machines là-bas. Je termine le scoop samedi soir. Le grand bleu se confirme pour le lendemain matin. Dimanche matin : moment d’émotion. Gilles se charge de l’opération, met le ballon debout, pendant que je profite de ce moment magique. Du mal à réaliser que ce ballon vert sort de mes mains.

Une page s’achève dans ce matin glacé et bleu de mars. Reste maintenant à le faire voler, et à faire partager de beaux moments là-haut.

er gonflement de F-POMM, le plein d'émotions !

Depuis 4 ans se sont écoulés. F-POMM a 95 heures au compteur et a participé à un Championnat de France (24eme), une coupe d’Europe des jeunes (4éme), plusieurs meeting (Thouars, Chambley, Maintenon, Pont-Audemer, Vannes), plusieurs vols longs de plus de 3 heures dont un de 4h10. Une altitude maxi à 2900 m… Et plusieurs descentes (très) froides ;-)

Il a encore de belles aventure à vivre, et si vous le croisez, n’hésitez pas à venir lui dire bonjour, il sera ravi de vous raconter son histoire ☺

Quelques chiffres, qui ne doivent pas masquer l'émotion de construire sa propre machine : 250 heures de travail. Coût total de l’enveloppe 4500 € Coût total du ballon complet (Camion de récup compris) 9000 €

N'oubliez pas que participer au stage de construction amateur vous offre l'opportunité de découvrir en un week-end la conception et la fabrication d'un ballon de A à Z. L'occasion d'appréhender que la construction est plutôt facile, avec de bonnes indications et un peu de méthode. Que vous vouliez construire ou juste en savoir un peu plus sur la technique du ballon, le stage de construction est le stage à suivre ! Plus d'infos sur : http://aerostation.free.fr/mfr/fr/mfr_11.shtml


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