Interview sur la realisation d'un ballon de vol de longue duree |
Voici une interview d'Arnaud Deramecourt, qui est actuellement en train de développer un ballon à air chaud de longue durée.
Tu as posté quelques infos sur le web au sujet d'un ballon de basse consommation, tu peux nous en dire plus ?
Oui bien sûr. Ce projet est né lors de mes débuts dans la construction amateur et à l'issue d'un premier vol de 5h15 fait sur 1600m3 en novembre 1998 (à l'époque, ce fut même le record de France). Je trouvais le concept de voler longtemps sympa, mais ce vol de 5h15 fait en solo ne m'avait tout de même pas apporté pleine satisfaction.
Puis, j'y ai repensé il y a quelques années, en 2008 quand j'ai évolué dans ma pratique du ballon et quand j'ai commencé à faire des vols longs (en air chaud "long" signifie pour moi supérieur à 4h). Les vols les plus longs que j'ai pu ainsi organiser duraient environ 6 heures. Étant aussi pilote gaz, ça me paraissait cependant encore bien court ! Je rêvais alors à des vols d'une dizaine/douzaine d'heures (sur une nuit ou sur une journée), mais sans la logistique des vols gaz qui reste assez lourde quand on doit gonfler à partir de cadres d'hydrogène comprimé.
J'imaginais donc un ballon à air chaud isolé pouvant moins consommer (initialement environ 30% de moins qu'un ballon classique), ceci afin de pouvoir réaliser ces vols de longue durée sans emporter 200 kg de gaz comme j'ai dû le faire pour certains vols longs. Ce travail s'inscrivit en superposition d'études menées à mon travail au Centre National d'études Spatiales sur les ballons à air chaud de longue durée destinés à voler sur d'autres planètes. Il y avait cependant quelques adaptations à faire, on s'en doute.
Après développement d'une première maquette début 2013 (utilisant un tissu et un design spéciaux), les performances atteintes sont très encourageantes : j'ai constaté une diminution de la consommation en gaz par rapport à des ballons classiques, de l'ordre de 40 à 60%, en fonction du taux de chargement (plus on est proche de la masse maxi, plus le taux de chargement est élevé). En gros, plus le ballon est chargé, plus les économies sont importantes par rapport à un ballon de volume similaire de design classique.
Quel est le principe de fonctionnement du ballon ?
C’est le principe tout simple de la bouteille thermos : deux parois réfléchissantes et espacées de quelques millimètres. Dans un thermos, les deux parois sont aluminisées (pour limiter les pertes par rayonnement) et entre les deux on trouve du vide (pour limiter les pertes par conduction). S’il est possible de trouver un tissu aluminisé à faible émissivité, il est difficile de maintenir le vide entre deux parois d'une montgolfière !
Il y a donc deux enveloppes espacées de quelques centimètres. Différents procédés sont possibles, le plus simple et le plus passif étant toujours le meilleur... La difficulté est de trouver un design qui permette une fabrication relativement rapide et surtout une facilité de maintenance (inspection, réparations, etc.).
Pourquoi ce projet ? A quoi ça va te servir ?
À très court terme, j'ai prévu la construction d'un ballon de ce type pour faire des vols longs. Cela me permettra de réaliser avec mon équipe des vols de 6 à 12h ; ce qui se substituera avantageusement aux vols en gaz dans une région (le sud de la France), dans laquelle il est assez coûteux d’organiser de tels vols en ballon à gaz. De plus, en fonction des vents, la durée des vols longs est souvent limitée dans le secteur : 6 à 12 heures de vol offrent déjà une bonne opportunité de vol long.
Les vols de longue durée seraient enfin accessibles, ceci en air chaud et avec la logistique de l’air chaud ! Cela sera une véritable révolution dans notre pratique. Le volume que je construis est un 3300 m3. Il doit nous permettre de voler à pil + 2 ou 3 en fonction de la charge en cylindres et surtout de l'altitude de vol prévue, ceci pendant une douzaine d'heures.
Est-ce que tu penses que le mouvement va être suivi ?
Je pense que ce type de ballon peut répondre à une demande de la part des pratiquants de l’aérostation. En période hivernale on voit des tentatives de vols longs organisées. Ça pourrait donner des idées à certains.
Le coût pourrait être un facteur important : un ballon de ce type construit en réglementation amateur revient moins cher qu’un ballon de même volume standard chez un fabricant professionnel. Par exemple, une enveloppe de 3000 m3 de ce type de signe "basse conso" en amateur reviendrait à environ 20000 euros. Certains fabricants professionnels commercialise(ro)nt ces ballons isolés à un coût relativement plus élevé. Le procédé de fabrication et les matériaux utilisés restent assez coûteux pour le moment, mais on peut imaginer une baisse des prix des matériaux d'ici quelques années.
Les personnes tentées par la construction / l'acquisition de ce type de ballon pourraient vouloir compenser la différence de prix par l'économie en carburant. Au prix actuel du carburant et en achetant un ballon de ce type chez un professionnel pas sûr que cela soit rentable... (en amateur, cela le sera.). Et revanche, pour permettre l'agrément du vol : boucle de pilotage moins rapide, et la possibilité de vols de plus longue durée, ce sera une bonne solution !!
Quelle méthodologie as-tu employé ?
D’abord, avant de réinventer la poudre, j’ai regardé tous les projets ayant mis en oeuvre ce type de ballon depuis 40 ans. J'en ai dénombré une vingtaine. J’ai regardé pour chaque projet les informations de design, les problèmes opérationnels, les performances, les matériaux utilisés... et j’ai essayé de faire la synthèse de toutes ces informations avant de réaliser le design d’un ballon de ce type. Ces projets étaient très variés, issus de souhaits d'entreprises, de particuliers, d'amateurs, de professionnels, plus ou moins éclairés techniquement. Ce fut une étude très riche !
Puis, j’ai réalisé une maquette de 100 m3 qui m’a permis de valider les performances de consommation ainsi que de choisir parmi plusieurs configurations la meilleure (la maquette faisait 10 fuseaux, tous de configurations différentes). Sur cette maquette, j'ai aussi mené des tests en thermographie comparative pour voir quelle était la meilleure configuration (entre les 10 différentes) pour l'isolation.
Tu vas diffuser les plans librement comme tu as l'habitude de le faire ?
Je ne sais pas encore. Jusqu'alors j'ai mis énormément de ressources (logiciels, bulletins, stages, etc.) à disposition des constructeurs amateurs, de manière gratuite ou à un coût quasiment nul au regard du coût des projets de construction. Ceci alors que l'association au sein de laquelle je réalise ces développements ne reçoit pas de subventions pour l'instant pour tout ces travaux de diffusion.
Pour mémoire, 11 stages de construction réalisés depuis 2001, plus de 200 participants. En moyenne 2 à 3 machines construites par an par les personnes ayant suivi ces stages ! Côté bulletin de construction, près de 3000 bulletins envoyés en 15 ans, avec plus de 200 lecteurs. Même certains professionnels constructeurs le lisent (sans y être directement abonnés, par ailleurs, c'est drôle !).
Cette fois, afin de valider les éléments de design et de consommation, j’ai fait face à des coûts de développement importants. Je pourrais envisager une licence payante pour ceux qui veulent utiliser mes plans, que ce soit des amateurs ou des fabricants professionnels. Mais avant cela, j'attends de finir le ballon de taille réelle, de le valider sur les aspects consommation et opérationnel. On verra ensuite !
Cependant, si des pilotes ou constructeurs amateurs sont déjà intéressés, ils peuvent me contacter d'ici quelques semaines pour m'en parler :).
Arnaud.Deramecourt_(at)_m4x.org